Billets qui ont 'Cardon, Patrick' comme auteur.

Immigration et sans papiers

Qu'est-ce que ce sujet vient faire ici? Il s'agit pour moi d'affirmer mes convictions face aux positions de Renaud Camus, bien sûr, mais surtout (parce qu'après tout ils sont plus nombreux...) devant ses lecteurs et divers sympathisants politiques (qui sont loin de tous l'avoir lu).

En mars dernier, j'ai été frappée par une remarque de Patrick Cardon [1] qui observait qu'il existait autrefois une forme de tourisme sexuel de pères de famille (comprendre: de pères de famille venant se prostituer dans les ports de Marseille et autres) qui traversaient la Méditerranée quelques semaines pour gagner un peu d'argent discrètement puis rentraient au pays.
Aujourd'hui, s'ils sont parvenus à entrer en France, ils y restent, de peur de ne pas y réussir une seconde fois.
Il y a quelques temps (un an, deux ans?), les premières enquêtes menées en Angleterre montraient que beaucoup d'immigrés d'Europe de l'Est étaient finalement retournés chez eux après cinq ans. (Il y a cinquante ans, sans la Guerre froide, la plupart des immigrés d'Europe orientale seraient rentrés chez eux.)
En résumé, la rigidité du système favorise les installations définitives.[2]

Je suis favorable à la disparition des "sans papiers": que toute personne entrant en France ait un permis de séjour légal, qui lui permette de porter plainte en cas d'esclavage par des patrons iniques ou en cas de violences familiales ou que sais-je encore. Il s'agirait de réduire la zone de non-droit qui s'établit autour d'eux, cette zone d'ombre qui permet des exploitations honteuses.

En contrepartie, il devrait être beaucoup plus difficile d'obtenir la nationalité française. Puisque tous les étrangers auraient une existence légale, il n'y aurait aucune urgence à leur accorder la naturalisation. Dans cette logique, il deviendrait beaucoup plus simple, sans atteinte au sens commun, d'expulser ceux qui ne respecteraient pas les lois.
Reste le cas des enfants nés sur le territoire français. Pour eux je n'ai pas vraiment d'opinion, mais là encore, dans la mesure où ils peuvent être scolarisés gratuitement comme n'importe quel enfant français et qu'ils sont couverts par la Sécurité sociale de leurs parents, il n'y a pas d'urgence à leur donner la nationalité française.
J'aimais bien le fait qu'ils aient dû un moment la demander, poser un acte qui les engageait, je ne sais pas pourquoi cette règle ou loi a été abolie (je n'ai pas fait de recherches, la CJUE (ex-CJCE) est-elle intervenue? De même, qu'on me pardonne (et m'explique) les éventuelles impossibilités juridiques que pourrait comporter mon billet.)

Bien évidemment, une telle mesure aurait d'abord pour conséquence un afflux d'immigrés sans qu'en sens inverse il n'y ait de départs (ou retours): il faudrait le temps (plusieurs années, un ou deux changements de gouvernement) que les gens croient que cette loi ne serait pas changée dans les mois ou années à venir, qu'ils pouvaient retourner chez eux l'esprit tranquille, qu'ils pourraient revenir plus tard s'ils changeaient (encore!) d'avis.
C'est un peu comme la libéralisation des prix en 1986: l'idée était paradoxale, puisqu'il s'agissait de lutter contre l'inflation (la hausse des prix) en laissant chacun libre de les fixer.

Notes

[1] auteur de Tous les garçons s'appellent Ali, que je bloguerai un de ces jours.

[2] Les études montrent que paradoxalement, c'est la fermeture des frontières par Valéry Giscard d'Estaing en juillet 1974 qui a provoqué l'immigration telle que nous la connaissons aujourd'hui, le rapprochement familial devenant la façon simple de venir en France.

Patrick Mauriès

J'ai entendu parler pour la première de Patrick Mauriès dans les commentaires quand j'ai parlé de Susan Sontag.

Je l'aurai rencontré moins d'un mois après, au cours du colloque Kitsch et arts scéniques.




toujours une photo de téléphone : Marie Pecorari, Patrick Mauriès, Isabelle Barbéris.

Nous avons assisté à une lecture par David Christoffel d'extraits du Second manifeste Camp, puis d'un court film de Benjamin Bodi et Laurent Charpentier présentant également des citations de ce livre.

Voici quelques notes prises lors de la table "ronde" (cf. photo ci-dessus) qui a suivi. Je vois peu à peu se dessiner une génération d'auteurs ou d'intellectuels que j'appelle "les enfants de Barthes", "les orphelins de Barthes" serait plus exact. Dieu que cet homme aura été et est encore aimé. J'espère qu'il le savait, qu'il l'aura su.



Comme d'habitude je renarrativise: il ne s'agit pas des mots exacts de Patrick Mauriès, mais de ce que j'en ai retenu, avec toutes les inexactitudes qui peuvent s'y être glissées.

L'idée de ce livre est venue à Patrick Mauriès lorsque celui-ci a découvert Candy darling, l'ami trans de Wahrol. C'était un être non assignable.

Pourquoi ce livre: pour garder une distance, pour restituer l'esprit du temps (le livre date de 1979), c'est-à-dire une jubilation, une ironie, une distance, et enfin pour appliquer la sémiologie (l'analyse du signe), qui était la culture du moment.

Ce livre n'est pas une satire, mais c'est malgré tout un jeu. Il développe cette idée devenue commune d'un artiste sans œuvre. Il s'appuie sur un texte de Susan Sontag. Il s'agissait d'un hommage à Susan Sontag, mais elle l'a très mal pris, sans doute parce qu'elle était en train de devenir très sérieuse en se tournant vers la politique. Ça s'est très mal passé (sourire embarrassé et rieur de Patrick Mauriès).

Selon Edward Gorey, le Camp est un vieux mot qui vient de l'argot de théâtre juif new yorkais.

Patrick Mauriès a bricolé son petit meccano (sic) sans intention de le publier et l'a donné à lire à Barthes. Celui-ci a donné le manuscrit aux éditions du Seuil sans même demander son avis à Mauriès.
C'était étonnant car Barthes était sérieux, pétri de culture classique, il n'était pas du tout dans cet esprit camp. Il a apprécié cette remise en cause.

remarque de Marie Pecorari: Pour moi le kitsch est moins ironique et le camp, davantage.

Patrick Mauriès mettrait le kitsh plutôt du côté du sublime, de l'excessif. Si le camp échoue, souvent cet échec est dû à une ambition trop grande.

Pour Isabelle Barbéris: le camp est une construction de l'éthos. Ce serait un très vieux mot français utilisée chez les anglo-saxons avant de revenir sur le continent. Le camp est plus politique que le kitsch. Le kitsch neutralisé glisse vers le dandysme.

Mauriès s'oppose à Sontag puisque pour elle le camp doit être naïf tandis que pour Mauriès il n'est jamais naïf. C'est peut-être une des raisons du mécontentement de Sontag, parce que d'une certaine façon Mauriès la traitait de naïve. Elle prenait tout cela très au sérieux.
Patrick Mauriès en a été très surpris, car les deux livres étaient différents, très liés à l'esprit du temps (1965 pour Sontag et 1979 pour Mauriès.)
Le livre a fait peur à Angelo Rinaldi. Il s'agissait d'une pseudo-philosophie se référant à la sémiologie, développant une idée, celle de la vie comme œuvre (// de l'artiste sans œuvre).

question d'Isabelle Barbéris: quelle place tient ce livre dans votre œuvre?
Patrick Mauriès — Je viens de sortir un tout petit livre Nietzsche à Nice. Il y a des choses qui reviennent, mais l'effet parodique est moins exploité.
Le second manifeste s'intéressait à des objets ordinaires.

remarque de Patrick Cardon: La revue FMR, ce n'était pas vraiment ordinaire !
Mauriès: oui... mais qui se serait intéressé à Capucci, etc ?

Patrick Cardon : Il y a un souci de rester victorien, un attrait pour cette période... La revue Le Promeneur ne s'intéressait quasiment qu'à des Victoriens...
Mauriès: oui... La période victorienne est une période de répression. La sexualité réprimée transparaît dans les lettres.

dans la salle: Y a-t-il eu des critiques qui n'ont pas vu l'ironie?
— Oui, Angelo Rinaldi, par exemple. Il y a eu une bonne réception dans les milieux de la Mode. Karl Lagersfeld commençait à créer. La Mode était en train de devenir un objet culturel, avec Kenzo, Chloé...
Ce sont des années qui ont été jubilatoires. C'était la création en s'amusant.


Le Second manifeste Camp est disponible dans deux ou trois bibliothèques en France et est introuvable. Patrick Mauriès n'a pas semblé opposé à la proposition de Patrick Cardon de le rééditer.

Les billets et commentaires du blog vehesse.free.fr sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.